Le Phasme, fort de son expérience de photographe animalier, nous livre un formidable travail pour réaliser une "guillie suit" :
La "ghillie suit", pour les amateurs de langue anglaise, se prononce "Guy-li-soute". Elle a été mise au point au 19 ème siècle par des garde-chasse écossais qui avaient en charge l'anti-braconnage et le recensement des cerfs. Ghillie est le nom de la chaussure écossaise et suit, c'est le costume ou la tenue.
La ghillie ne soit pas servir à imiter le décor, vous le savez, mais à tromper totalement l'oeil vicieux de l'adversaire. L'oeil ne doit pas s'arrêter sur vous, sinon, vous êtes mort. Un porteur de ghillie ne doit pas ressembler au décor ni à quoi que ce soit. Un porteur de ghillie ne doit ressembler à rien. C'est pour cette raison que la notion d'esthétique est à oublier.
Autre chose avant de développer le sujet, ne prévoyez pas des heures de confort lors de l'utilisation d'une ghillie; en porter une, c'est proprement chiant, voire l'enfer. On s'accroche, ça pue, ça gratte, ça pèse. Exactement comme quand vous vous glissez sous un couvert. Si ces ingrédients sont réunis, c'est que vous êtes correctement camouflés. Attention, porter une ghillie ne vous rend pas invisible. C'est une des dernières étapes du camo, qui en compte des dizaines.
Alors, commençons par les ingrédients, avant de se lancer dans la recette.
_ un hamac de jungle kaki;
_ du fil de pêche très résistant (au moins 7 kg);
_ 6 à 8 m de tissu camo de n'importe quel camo (moi, c 'est du vegetato);
_ un boonie hat;
_ de la paracorde, on ne sait jamais;
_ de bons ciseaux;
_ un t-shirt manches longues (de préférence) ou courtes, de taille très ample.
Le hamac de jungle est un filet large et ultra-résistant, au poids et à l'humidité. Enlevez les anneaux et tous les fils et cordelettes qui ne constituent pas la trame du filet proprement dite. Brûlez ensuite la tête des fils qui sont effilochés. Comme c'est du nylon, ca se rétracte comme du plastique fondu et ça ne bouge plus. Comme avec la paracorde, à chaque bout.
Le hamac va constituer le corps de votre costume des bois.
Le fil de pêche va servir à coudre (à la main) et à lier les côtés, les aisselles et les bras de la ghillie. Et à fixer le filet sur le boonie, avec les passants de camo du chapeau.
Le tissu camo, évidemment, va servir au camo à proprement parler. Découpez dans la masse toutes les bandelettes que vous pourrez; environ 4 à 5 cm de large pour une trentaine de longueur. Elles seront nouées ensuite sur le filet du hamac. Je ne suis pas fan de la toile de jute, car elle devient vite un nid à parasite et à insectes désobligeants. Les mailles fissent par s'écarter et il faut la renouveler tout le temps. En plus, on sème tout le temps des brins et ça, c'est pas bon du tout pour la discrétion. Le tissu, malgré ce qu'on peut lire, vieillit au contact du terrain. S'il est ripstop, c'est encore mieux, car il ne va pas s'effilocher et semer comme le jute. Un tissu ripstop camo usé est très camouflant.
Un boonie hat camouflé déja usé (car souple), constituera, une fois recouvert d'un morceau de hamac, le camo de tête. Cousez d'abord la visière frontale du boonie sur le tube du chapeau, un peu comme le faisait les chindits ou les sudistes. Votre chapeau aura ainsi le front relevé (à la Napoléon), ce qui vous permettra d'avoir un champ de vision plus large. Les bandes de camo qui tombent depuis le filet se chargeront de masquer votre tronche. Et, de toutes manières, si vous voulez vous la jouer tapis végétal, vous ne lèverez pas la tête, cqfd.
La paracorde ne sert pas véritablement lors de la confection de la ghillie, mais il faut en avoir, pour assurer une réparation de fortune lorsque frappera la loi de Murphy. Il vaut mieux nouer de la paracorde que du fil de pêche, quand on noue dans l'urgence et dans l'inconfort.
Les ciseaux doivent être des modèles de couturier. Larges, longs et confortables, parce que découper des dizaines de bandelettes dans 8 m de tissu va user et cloquer vos doigts rapidement. Pas de ciseaux à ongles.
Enfin, un t-shirt de couleur sombre, d'une taille bien supérieure à la votre, qui va servir de sous-peau au filet. Vous coudrez le t-shirt sous le filet, pour constituer littéralement une 2ème peau. Pourquoi, parce que ça vous évitera tout simplement de vous emmêler les pinceaux chaque fois que vous enfilerez la ghillie, surtout si vous le faites rapidos sur le terrain. Lorsque vous la roulerez, au moins, vous n'aurez aucun problème pour la démêler.
En plus, ça constituera un véritable survêtement, ample et lavable en machine sans aucun problème, du moment que tout est bien cousu et ajusté correctement. cette "ghillie" rajoutera une couche quand il fait froid et sera légère en conditions chaudes.
Voilà pour les ingrédients.
J'en oublie un de taille: la patience. C'est très très long de réaliser une bonne ghillie. La patience est de rigueur; tant mieux, parce qu'un porteur de ghillie doit être tout sauf impatient.
Une fois que tous les ingrédients sont réunis sur la table, vous pouvez commencer l'ouvrage.
Alors, autant le préciser, cette Ghillie est universelle, aussi adaptée à l'obs des bestioles, qu'au ROHUM et qu'au sniping.
Cette ghillie est au final un ensemble veste-chapeau, car j'estime que si le camo est suffisamment bien réalisé, vous pouvez vous passer d'un pantalon de type Chubaca. Les tons de la ghillie devant être choisis avec soin selon la zone que vous fréquentez, le camo du pantalon ira de pair. Rien ne vous empêche cependant de réaliser un pantalon sur le modèle de la veste.
Le v"egetato" étant assez passe-partout quand il est découpé et utilisé en 3D. Le Centre-Europe peut rendre de loyaux services dans ces cas-là. Le DPM, un peu moins, car plus foncé, mais, que je ne prenne personne à découper du DPM. L'idéal, vraiment, serait du Multicam, mais nous ne sommes pas encore milliardaires au point de nous le permettre!
Alors, attaquons avec le hamac.
Donc, débarassez-vous des anneaux de suspension et de toute la petite corderie et des lanières tressées qui sont destinées à suspendre votre sommeil.
Ne conservez que le filet qui forme un rectancle, légèrement élastique.
Brûlez les têtes des brins de nylons pour éviter qu'elles ne s'effilochent.
Quand votre filet est prêt, étalez-le sur une table, et rien d'autre, car mieux vaut être assis pour travailler plusieurs heures.
Découpez votre filet en croix et gardez bien les chutes, elles serviront pour le chapeau. La croix doit être irrégulière: une branche large pour la face; une branche large pour le dos; les deux branches restantes étant plus fines, pour chaque bras.
Attention, assurez-vous de découper les branches pour les bras assez larges pour que les bords se rejoignent autour de vos bras.
La croix découpée, ôtez un bout pour passer la tête au centre de la croix. Pas trop serrée, car la ghillie doit flotter et on est vite étranglé quand on lève la tête depuis un couvert. Brûlez toujours les têtes des brins coupés.
Passez la ghillie. L'idéal est d'avoir le filet qui arrive à mi-cuisse. avec l'ajout de tissu qui pendouille, on arrive presque aux genoux. Avec la hauteur de l'herbe, on est gagnant. Et puisqu'on ne tire ni observe debout la plupart du temps, vous m'avez compris...
Côté dos, pareil, ça tombe sous les fesses. pour les bras, faites que ça ne dépasse pas en longueur la moitié de l'avant-bras ou au pire, le poignet. C'est important, surtout quand il y a de la ronce devant soi ou qu'il faut manier une pétoire (ou les deux, souvent).
Mais la ghillie, à ce stade, est ouverte et baille.
Avec le fil de pêche (préférez-le vert), vous allez fermer tout ce qui baille. De chaque côté, liez la face au dos, surtout pas près du corps. gardez de l'amplitude, ça vous rendra service pour le confort et le cassage de silhouette.
Fermez bien au niveau des aisselles, en laissant du jeu, histoire de pouvoir lever les bras plus haut que votre nombril. Vous devez être un fantôme, pas une momie.
Enfin, nouez avec le fil de pêche la longueur des bras, toujours avec beaucoup de jeu, et pour les même raisons.
C'est long et plus vous utilisez de noeuds au fil de pêche, plus l'ensemble sera préformé et solide. Quand la base filet (le patron) est finie, en la portant, vous devez avoir l'impression de porter une veste trois fois trop grande. C'est le but.
Ensuite, passez au t-shirt. Si vous faites du S, prenez un L ou un XL. Prévoyez de passer parfois la tenue par dessus un blouson type Snugpak.
Ajustez-le bien à l'intérieur du filet, surtout au niveau du col et des épaules, avec des points solides de couture; concentrez-vous à l'ajuster sur cette zone cou-épaules, parce que si c'est bien fait, vous n'aurez aucun problème de mobilité. Dans le cas contraire, vous évoluerez comme Quasimodo...
Quand c'est bien ajusté, cousez des points partout. Plus y en a, mieux c'est car, la Ghillie deviendra une véritable côte de mailles.
Le T-shirt-deuxième peau doit être ajusté, sombre, sans motifs, ou alors camo, c'est mieux. L'avantage de ce système filet-T-shirt, c'est sa polyvalence et sa facilité d'entretien. Vous l'enfilez comme un T-shirt, et pour cause, sans vous emmêler les doigts dans les mailles du filet. Préférez un T-shirt manches longues.
Vous pourrez la rouler 50 fois, sans passer 15 ans à trouver le trou pour la tête et celui pour les bras. Et, sacro-sainte hygiène, vous pourrez la laver en machine, sans retrouver des boulettes-couscous de toile de jute dans le tambour de la machine (au mieux). En plus, elle est légère et vous évite de l'avoir directement sur la peau (vu la densité de tiques en France, on appréciera d'autant).
Quand la veste filet sur T-shirt est prête, prenez votre sac plein de bandes de tissu ripstop camo. Sainte-patience, priez pour nous; commencez à nouer.
Commencez par le bas, histoire de couvrir le filet du mieux possible. Nouez-en partout, c'est un filet, c'est fait pour. Moi, je noue une bande sur l'endroit (côté camo) et une bande sur l'envers (côté olive). Ca accentue l'effet fouilli de la végétation.
Couvrez tout le filet, à exception peut-être, d'un petit carré sous les aisselles, histoire de pouvoir fermer les bras.
L'avantage des noeuds est qu'il donne du volume, qu'il est rapide à mettre en oeuvre et qu'il se défait (avec une pince plate). Si vous voulez consolider vos noeuds, trempez la ghillie dans l'eau un moment.
Sans tenir compte des cloques aux doigts, voilà votre veste terminée.
Ah, j'oubliais... c'est très long, mais long, mais long...
Le chapeau sera l'objet de la troisième partie.