Tout a commencé il y a bientôt deux ans en Janvier 2006 avec mon commentaire sur le
blog des éditions Movie Planet : J’a
i adoré « celui qui s’est échappé »… Comme avec certains d’entre vous j’ai établi une correspondance avec François l’éditeur de Chris Ryan qui publiera ensuite John Geddes et Duncan Falconer. Chose rare, il s’est montré très curieux sur notre approche de la reconstitution et l’idée d’une rencontre a rapidement vu le jour. Il a fallu attendre plusieurs mois pour que l’occasion se présente et c’est en toute simplicité que François nous a invité au mois de Novembre pour passer quelques jours à Paris avec un des ses auteurs : l’ex SBS Duncan Falconer.
Les jours passent, l’organisation du week-end se met en place, François a une mission spéciale sous le coude, l’excitation grandit et c’est en grande pompe que nous partons Frog et moi pour Paris le jeudi après le travail. Koursk est censé nous retrouver le samedi matin, il nous laisse partir non sans nous avoir averti de l’émission de Radio Classique sur Jordi Savall, le second maître spirituel de Frog.
Il pleut, la route est monotone mais il y a la folie des grands week-end dans la voiture, les fous rires nous font rater une sortie et rallongent notre route mais ce n’est pas grâce. Le vrai seul problème reste qu’à l’heure prévue nous ne captons plus France Inter, qu’importe, il reste Skyrock.
La nuit passe, nous avons bien "rapé" et roulé. Nous arrivons sur Paris au matin où nous avalons les derniers kilomètres sur un périphérique saturé, l’excitation s’estompe avec les minutes passées dans les embouteillages, viennent alors les vrais questions que nous n’avions pas voulu nous poser : et si ?
Et si le courant ne passait pas avec François ?
Et si Falconer nous trouvait ridicule ?
Et si ce week-end tant espéré virait au cauchemar ?
Arrivé au lieu de rendez-vous, un homme lorgne sur le 12 de notre plaque minéralogique :
Salut les gars je m’appelle François, j’espère que vous avez fait bonne route.
Il nous installe à notre quartier général pour le week-end et nous briefe pour l’opération du soir avant que nous ne décollions pour rejoindre son auteur qui doit donner des interviews.
Au volant d’une Audi A4 break noire louée pour l’occasion, nous allons vers un café de l’Hôtel de Ville où nous attend Duncan Falconer. L’ambiance est détendu dans la voiture, pas encore d’exception cette fois-ci, le courant passe bien comme avec chacun d’entre vous que nous avons le plaisir de rencontrer. Au bout de quelques minutes c’est en riant que notre pilote dit qu'il s était posé lui-aussi cette fichue question : Et si ?
Nous arrivons sur la devanture de l’établissement, un regard franc m’interpelle et je reconnais l’auteur derrière les vitres de la porte d’entrée.
Première surprise, je trouve qu’il ne ressemble pas vraiment à la photo du livre. L’homme est imposant : grand, massif et rustique, un visage étonnamment doux brise cet ensemble. Je le trouve plus jeune mais il a le même regard clair que sur la photo.
Les présentations sont brèves, nous nous engageons dans la rue pour rejoindre le lieu d’entretien . François lui explique le déroulement de la journée, Frog et moi fermons la marche, nous sommes impressionnés par sa carrure et par son regard.
Deuxième surprise, c’est lui qui engage la conversation, on parle un peu de tout et de rien : de sa vie en Afrique du Sud, l’auteur semble vraiment décontracté, il est aimable et avenant, nous sommes enchanté.
Nous laissons François et Duncan avec les reporters et prenons la direction de République, Rue de la Folie Méricourt plus exactement pour passer le début d’après midi aux surplus locaux mais surtout à la librairie Histoire et Collection. Frog et moi en profitons pour parler de la mission clandestine organisée par François qui fait sien la célèbre devise : « Who dares wins ». Malgré la présence d’un SBS à nos côtés, nous sommes assez sceptique.
Lorsque nous retrouvons le reste du commando, nous leur faisons part de nos craintes, François nous assure avec un grand sourire qu’il connait un bon avocat. L’enthousiasme de cet éditeur audacieux plein d’humour nous séduit.
Installé discrètement dans un parking souterrain nous enfilons
la tenue noire CTW devant Duncan Falconer qui n’en revient pas. Il regarde en détail la tenue, les répliques des MP5 et P226 qui est selon lui plus précis que son Browning HP employé à l’époque. Il nous explique entre autre que nous devrions mettre un mousqueton à notre tenue en cas d’hélitreuillage et nous rappelle d’avoir toujours une clé anglaise à portée de main. Je vous laisse lire
En première ligne pour savoir de quoi je parle. Quoi de plus gratifiant que de présenter une tenue devant une personne qui l’a porté en opération il y a plusieurs années.
Mais que dire encore de cette étrange sensation en traversant en voiture un Paris illuminé pour les fêtes, vêtues de tenue d’intervention en écoutant Duncan Falconer répondre avec précision et humour à nos questions.
De l’historique de la grenade flashbang en passant par les calibres d’armes utilisés, l’auteur joue le jeu et nous fait parfois mourir de rire :
Quel est selon vous l’endroit du globe le plus dangereux actuellement ?
-Il y en a beaucoup mais disons que je ne travaillerai pas à Bagdad avec une photo de George Bush sur mon tee-shirt…
Nous arrivons enfin à notre destination et il est temps que je vous révèle notre mission : à savoir créer un
"buzz" au
Salon du Polar de Montilly-les-Cormeilles où ni l’éditeur et son auteur ne sont invités et encore moins leur escorte en noir.
Il est 19H, il fait nuit noire et la pluie bat la cité, toutes les convives sont au chaud à l’intérieur en train d’écouter le Maire de la ville prononcer son discours d’inauguration de cette dixième édition.
Nous encadrons l’auteur, la main sur le MP5, François ouvre la marche au devant du portier :
Je vous présente Duncan Falconer, ne vous inquiétez pas ils sont avec moi.
Un ange passe…
Nous fendons la foule pour nous placer au milieu de la salle, tous les regards ont quitté la tribune et ses invités d’honneur pour nous fixer. Je suis relativement mal à l’aise mais je chie dans ma combinaison quand je reconnais le Maire qui parle devant nous et qui n’est autre de Robert Hue ancien candidat à la présidentielle du Parti Communiste.
Un "d’jeun" plus téméraire que les autres m’accoste :
Vous venez pour les émeutes ? Non gamin c’est du spectacle, je ne fais pas de social.
Robert Hue termine son discours, tout le monde applaudit sans toutefois nous quitter des yeux.
Notre jeune ami rejoint ses compagnons et j’entends :
Je ne te crois pas, je te dis que ce sont de vrais armes…
J’ai très chaud, je replace nerveusement ma cagoule en nomex lorsque arrive devant moi le Maire et le cortège municipal. Robert Hue vient me serrer la main : j’essaye de bien articuler Bonjour Monsieur le Maire sous ma cagoule…
-Je vous présente votre autorité : Madame la préfet
Bonjour Madame. Je m’excuse mais ce soir je suis dépendant de l’autorité de Duncan Falconer…
François, toujours audacieux, a discrètement pris place sur l’estrade, nous le rejoignons pour une séance photo avec des journalistes et des d’jeunes maintenant rassuré. Le responsable de la sécurité vient nous demander pourquoi il est le dernier au courant ? L’ambiance s’est détendue, le buzz a fonctionné, nous nous retrouvons au bar pour savourer un bon vin.
Il est temps de partir, nous rendons Duncan à sa famille pour la soirée et nous passons un très bon moment à table avec François à parler littérature, cinéma, reconstitution mais aussi vie de famille et projets personnels.
Il se fait tard, notre ami nous dépose à notre luxueuse base opérationnelle. Koursk est dans le train de nuit, il nous retrouvera demain matin.
Avant de nous endormir, Frog et moi évoquons ce moment magique dans le parking après le Salon du Polar où Duncan nous explique les positions d’engagement au MP5. Il a l’œil qui brille et tel un boxer vient tester notre garde. On repense aux premières sorties sur le Causse il y a quatre ans ; Un SBS vient de nous expliquer comment mieux gérer nos assises.
Samedi matin, alors en plein sommeil, le téléphone retenti :
Je suis en bas
Koursk nous a enfin rejoint après une dure nuit passée dans un wagon couchette.
Le bistrot du coin : un petit noir et un croissant, Frog et moi lui racontons des bribes décousues de la journée passée. Olivier Lejeune passe devant nous, on ricane, il rentre dans une voiture de sport, on ne rigole plus. Ah l’argent… la discussion tourne sur la prostitution et les choses amorales, c’est bon de se retrouver tous ensemble.
Nous allons aujourd’hui accompagner François et Duncan a deux séances de dédicaces dans les magasins Cultura.
Afin d’éviter de faire trop "groupe anti-émeute", nous allons panacher les uniformes, Koursk enfile sa tenue type SBS A-stan. Un dernier briefing sur la Minimi, on règle quelques sangles, François arrive, nous passons récupérer Duncan et nous nous changeons une nouvelle fois dans un parking souterrain. Koursk, en DPM, est face à l’auteur qui s’approche et lui dit :
Ta tenue est bien mais tu ne dois pas porter ce shemagh, je t’expliquerai pourquoi …
Nous revoilà dans les bouchons, François , notre pilote, fait une visite enrichissante de la Capitale, Duncan lui, donne un cour universitaire sur le shemagh, quelques blagues fusent, nous parlons aussi de géopolitique, l’Iran bien entendu mais aussi l’espace méditerranéen. La route est agréable sauf pour celui qui conduit et qui ne joue pas les touristes.
Arrivé au premier Cultura, branlebas de combat , cette fois nous sommes attendus, les vigiles sont prévenus, je suis bien plus détendu, nous allons pouvoir jouer un peu la comédie.
Un stand est installé à l’entrée du magasin, personne ne peut nous rater et c’est bien cela le problème.
Le père Noel porte cette année un masque à gaz S10…
de gauche à droite : Frog, Duncan Falconer, Menator et Koursk
Les visiteurs sont surpris, beaucoup sont venus faire les emplettes de Noel en Famille. Nous ne sommes pas hostile, nous essayons de bavarder avec les jolies Mademoiselle mais rien n’y fait les gens ont peur. Nous avons quand même le plaisir de discuter avec quelques curieux, amateurs d’uniforme mais le responsable du magasin vient nous demander d’arrêter car plusieurs personnes se sont plaints. On avait pourtant lavé nos tenues pour l’occasion.
François et Duncan ou l'ennui
Nous passons donc l’après-midi à discuter avec nos amis et des passionnés venus exprès pour les dédicaces. Il n’y a pas foule, qu’importe, Falconer joue vraiment le jeu, il est plein d’humour. Je tente de lui faire dédicacer «code veilleur » en vain. Il nous rappelle que la patience est le maitre mot dans le SBS, il se souvient avoir passer huit jours en planque. Nous avons l’après-midi pour discuter procédures, petites histoires, taille de pierre, actualité etc etc J’ai apporté quelques photos prises ces dernières années en Irak, il est intéressant d’écouter son avis, il est toutefois peu branché matériel car il vient de la vieille école lorsque les SBS inventaient et testaient toutes sortes d’équipement. Je crois qu’il en est de même pour la majorité des opérateurs.
Les commentaires de l’auteur sont de trois sortes :
Il a vu ou assisté à un événement, un ami lui a rapporté son histoire et le dernier : je ne me prononce pas. Il nous explique que les membres des forces spéciales ne parlent pas de leurs missions. Il ne s’agit pas d'une question de secret défense mais simplement de pudeur. Par exemple il travaille avec un homme qu’il est persuadé de connaitre. Il l’avait vu lors d’une mission il y a vingt ans. Au bout d’un certain temps il lui dit simplement le nom du pays et ce dernier sourit. Les deux hommes se sont compris mais ne vont pas en dire plus.
Les séances de dédicaces sont terminées, on retourne maintenant au centre de Paris. Nous sommes installés tous les trois en tenue à l’arrière de l’Audi. Nous sommes en grande forme et on enchaine fou rire sur fou rire. Tout est bon pour rigoler, au total une centaine de remarques foireuses dont une dizaine réellement drôle et trois ou quatre amorales punissables par la loi. Encore quelques heures dans les bouchons, on raille le chauffeur qui voit rouge mais ne dit rien, François a vraiment un flegme britannique. Duncan n’est pas le dernier pour en sortir de bonnes et c’est en rigolant que nous arrivons à notre parking souterrain. Il est 19H, tout le monde a faim et soif, il ne faut pas perdre de temps. Nous nous affairons à quitter et à ranger le plus rapidement possible nos tenues. Nous sommes à moitié nue et le SBS joue au sergent instructeur :
Allez les gars, plus vite, nous allons nager maintenant !
La Seine n’était pas loin mais c’est avec soulagement que nous rejoignons un restaurant pour terminer la soirée.
Comme le hasard fait bien les choses, nous nous sommes retrouvés dans un établissement tenu par un… aveyronnais. Ils sont en effet nombreux dans cette profession à Paris. Le patron honore la tradition d’accueil, nous nous trouvons des connaissances communes et c’est avec fierté que nous avons présentons les spécialités de notre terroir à nos amis. François connait mais Duncan nous averti :
Je mange tout sauf les yeux, le museaux, la langue, les oreilles, les entrailles et les parties génitales d’un animal. Si c’est le cas, merci de ne pas me le préciser.
En savourant un plat de charcuterie nous présentons notre livre de famille avec les photos de quatre ans de reconstitution. Hélas sur la première image nous portons le béret sable, l’auteur le referme aussitôt en rigolant. Duncan va le feuilleter attentivement, portant un grand intérêt pour les tenues des parachutistes français libres. Il souligne quelques erreurs dans la position des armes ou les postures mais nous félicite pour l’ensemble du travail.
Sur un écran à coté de notre table, Biarritz affronte l’équipe de rugby de Sales. Nous parlons de ce sport et du match France-Nouvelle Zélande lors de la dernière Coupe du Monde. Duncan l’a suivi en Angleterre avec des amis SBS et a été agréablement surpris de la victoire des bleus. Il nous raconte que c’était une des rares fois ou il avait pu voir des anglais applaudir les français. Selon lui cette victoire était mérité et les anglais sont fair-play. Il nous fait mourir de rire quand il précise que si les maillots à la rose affrontaient l’équipe de rugby d’Al Qaida, les écossais encourageraient Ben Laden !
Le vin est bon et la nourriture excellente, les heures passent. Nous parlons de sujets sérieux d’Histoire ou de géopolitique, de sujets plus intimes comme le mariage de Koursk ou le semgma; François fait son coming out musical et l’auteur narre de façon extraordinaire des anecdotes qui auraient pu figurer en bonnes pages de En première ligne !
Encore un peu de vin, quelques éclats de rire et il est temps de sortir de table pour aller nous coucher.
L’auteur nous quitte après une franche accolade. Encore ému par tant de gentillesse et de simplicité, nous disons au revoir à François et lâchons un timide merci.
Sur le chemin du retour les mots manquent, ce week-end a été exceptionnel. Comment expliquer les émotions que nous ressentons et comment remercier la personne qui nous a invité à cette formidable rencontre ?
J’ai essayé de vous faire vivre ce week-end en faisant un effort littéraire, il faudra le voir comme un hommage à notre éditeur préféré.